2014/09/19

2015 : émergence d’un nouveau système monétaire international multipolaire. L’or se réveille.


Cet article s’intéresse au mouvement de fond touchant le système monétaire international, et décrit son prochain "palier" qui est en train d’être mis en place par des actions locales, rapides et successives, sans obligatoirement être chacune accompagnée dans la foulée par un communiqué public. 

Dit schématiquement, nous décrivons le processus de sortie du dollar : la dé-dollarisation du monde qui commence par les pays BRICS.

Dollar contre or

L’histoire humaine depuis plus de 6500 ans est jalonnée par l’or, sur tous les continents. En effet cette matière présente des qualités physico-chimiques, géologiques et historiques[*] absolument sans équivalent sur notre planète. Elle représente ainsi le meilleur moyen qui puisse exister pour stocker la valeur sur une longue durée.[**] L’or a donc été sélectionné par l’homme au cours des millénaires pour être le support matériel de la monnaie[1], qui permet de développer les échanges de valeur c’est-à-dire l’économie.

La monnaie représente dans l’esprit des hommes la stabilité de la valeur dans le temps futur. Remarquez l’éclat inaltéré des bijoux de Varna, ou plus proche de nous l'évolution du pouvoir d’achat de l’or lors des derniers siècles écoulés (figure 1). La stabilité de l’or (en termes de pouvoir d'achat) ne subit des fluctuations importantes que lors des événements suivants : découverte des Amériques et de leurs mines par les Européens (XVIème siècle) ; abandon du standard or par la France et l’Allemagne en 1914 pour financer la Grande Guerre, puis par tous les pays de l'Union Latine ; confiscation de l’or des citoyens américains en 1933 ; défaut sur les accords de Bretton Woods par les USA (1971) ; mise en place du premier accord CBGA (1999) ; crise financière globale de 2008.

Figure 1: pouvoir d’achat de l’or entre 1560 et 2010 aux Etats-Unis ; source : WGC

On peut comparer cette stabilité, fondamentale pour la croissance de l’économie, avec l’évolution du pouvoir d’achat du dollar (figure 2a). Cette courbe se lit aussi comme suit : « combien d’onces d’or faut-il pour acheter 1 dollar ? ». 

Figure 2a : pouvoir d’achat du dollar par rapport à l'or entre 1718 et 2013 ; Source : goldsilverworlds.com

On peut également comparer l'évolution des autres monnaies fiduciaires par rapport à l'or lors du siècle écoulé (figure 2b).

Figure 2b: destruction des monnaies fiduciaires depuis 1900; source

Car la référence ultime doit toujours être ce qui varie le moins : on ne mesure pas une règle avec un élastique mais les différentes longueurs de l’élastique (le dollar) au cours du temps, à l’aide de la règle (la masse d’or). Toute économie fondée sur des principes différents est condamnée à faire illusion. La mesure au moyen de l’or, par exemple pour l'évolution du PIB des USA ou de UK, dissipe instantanément cette illusion (figure 3).

Figure 3 : PIB annuel des U.S.A et de UK par habitant (1830-2012) exprimés en onces d'or fin ; Source: Conscience-Sociale.org & Samuel H. Williamson, Measuring Worth

Le retour de l’or

Nous avons déjà décrit les relations actuelles profondes entre les marchés de l’or et du dollar.[1b] Le mouvement profond de la grande crise actuelle doit s’analyser comme une « remontée irrésistible à la surface » de l’or dans le système monétaire international, suivant des paliers de décompression. Le naufrage du dollar (ou plus exactement du système pétro-dollar, et des Bons du Trésor US comme référence commune) doit se comprendre comme ceci : 
  • Toute monnaie ne peut être qu’un instrument d’échange dérivé[2] de l’or, ou d’une autre monnaie, suivant une hiérarchie d’influence. A cet égard, l’euro est actuellement un dérivé du dollar. 
  • Le dollar est un instrument dérivé de l’or, grâce à un marché jusqu’à présent encore liquide et profond.[3] 
  • Le dollar est l’instrument de référence du système monétaire international, reflétant l’organisation unipolaire du monde au XXème siècle.[4] 
  • Réformer le système monétaire international basé sur le dollar, c’est introduire à la place du dollar un autre instrument d’échange dérivé de l’or… ou plusieurs !
Nous avons précédemment mentionné dans nos travaux le stade ultime d’instrument dérivé de l’or, qui est le billet à ordre remboursable en or (Gold Bill).[5]
Nous décrivons ici un palier intermédiaire, reflétant désormais l’organisation multipolaire du monde.
Il ne s’agit pas de remplacer le dollar par un panier de devises. Il s’agit d’abord de remplacer le marché assurant l’échange entre dollar et or (le COMEX), par d’autres marchés. C’est là que nous devons nous intéresser de près à l’accumulation de stocks d’or par les pays BRICS, les seuls ayant la volonté de réformer le système monétaire international.
Les statistiques officielles de stocks d'or (WGC, FMI) ne peuvent pas être tenues pour argent comptant, pour deux raisons :
  • L’importance stratégique primordiale des stocks d’or implique que les valeurs publiées ne reflètent pas les évolutions réelles, en particulier les stocks issus de l’extraction minière dans le même pays. 
  • Les banques centrales, en particulier occidentales, ont pratiqué pendant des décennies le leasing de leur or national, ou l’achat de certificats ETF, ou le déplacement de leur or à New York ou Londres pour soi-disant « faciliter les transactions ». Ces stocks ne sont représentatifs en aucune façon de la réalité[6] de ce qui peut effectivement être mis à disposition sur un marché qui autorise le retrait d'or physique par n'importe quel acteur.[7] 


L’or dans la stratégie des BRICS

Commençons par la Chine.
Sa banque centrale vise officiellement à réunir plus de 8500 tonnes dans ses réserves.[8] Il est donc essentiel de suivre les importations d’or parallèlement aux stocks officiels (figures 4 et 5) et aux volumes de retrait sur le marché de Shanghai qui joue le rôle de porte d’entrée des flux importés. Son ambition de développer un vaste marché de l’or permettant de participer activement au processus de fixation du prix de l’or, s’étale au grand jour.[9] Le marché international des contrats à terme pour l'or (gold futures) qui a ouvert aujourd'hui 18 septembre à Shanghai.[10] Pourquoi cette annonce historique ne fait-elle pas les grands titres du journal télévisé dans votre pays ?

Figure 4; source

Figure 5; source

Passons à la Russie. 
Il est essentiel ici de comprendre la nature multipolaire de tout ce qui se joue et qui compte en ce moment. La Chine ne remplacera pas les USA. C’est l’ensemble des BRICS, articulé lui-même autour de l’axe fort Russie-Chine. La Russie présente le partenariat idéal pour le nouveau système : une monnaie solide ancrée sur des réserves officielles en croissance (sans leasing)[11], et la plus importante capacité d’exportation d’énergie de la planète. 

Ce partenariat Russie-Chine remplace celui du pétrodollar (US-Arabie Saoudite), sans présenter la faiblesse géopolitique de ce dernier pays. Il est beaucoup plus équilibré. C’est pourquoi les ventes d’énergie pourront s’opérer en rouble avec les autres pays[12], la Chine payant soit en rouble soit en Renminbi suivant les accords de swap… voire en billets à ordre remboursables en or (Gold Bills), qui pourront servir dans les 3 mois à la Russie pour acheter des produits chinois. L’ensemble de ces mécanismes assurent qu’aucun déficit de la balance commerciale ne se creusera entre ces deux pays.

Figure 6 : réserves d'or officielles de la banque centrale russe, 1994 - 2014/05; source

La nature multipolaire des BRICS intègre naturellement le Brésil, l’Inde, et l’Afrique du Sud dans ces accords de commerce internationaux.
Chacun de ces pays effectuera ses paiements suivant ses propres atouts :
  • Le Brésil et l’Afrique du Sud vendront des produits agricoles et des matières premières à la Chine (ou à d’autres pays des BRICS) en s’appuyant sur leur accord de swap de devises, en retour de l’achat de produits manufacturés des BRICS. 
  • L'Afrique du Sud est encore un très important producteur d'or mondial, après avoir été le numéro 1 pendant des décennies (figure 6b). Ses mines lui permettent si nécessaire de constituer des réserves nationales de 200 t / an sans l'acheter sur les marchés internationaux. 
Figure 6b ; source
  • Le Brésil est le 14ème producteur d'or mondial malgré des réserves géologiques plus significatives. Les chiffres de l'US Geological Survey annoncent une production en 2011 de 60.3 tonnes, et de 63 tonnes en 2010. Les projets impliquant d'autres pays d'Amérique du Sud (par exemple les projets de Yamana Gold, figure 6c) sont à souligner du fait du fort rapprochement entre BRICS, Mercosur et Argentine.
Figure 6c; source
  • L’Inde importe massivement de l’or depuis les années 90 (figure 7) et dispose après la Chine du plus important stock d’or mondial dans les mains de ses citoyens. Ceux-ci pourront rapidement s’insérer dans le commerce des Gold Bills, après l’étape utilisant les swaps.


Figure 7

Les conséquences de ces rachats d’or sur les équilibres de forces dans le monde se jouent avant tout sur le terrain monétaire, qui est le socle de tous les autres attributs d’indépendance. Grâce à ces stocks astucieusement exploités, et à la confiance mutuelle de très long terme qu’ils inspirent, de puissants partenariats stratégiques peuvent se développer, des nouvelles filières internationales d’approvisionnement (supply chain) peuvent se mettre en place. Le commerce international progresse sur des bases saines.
Nous estimons que ce prochain "palier" du système monétaire international sera techniquement atteint dès fin 2014, et communiqué publiquement pour le prochain sommet des BRICS en juillet 2015.
Le prochain système monétaire international sera donc réellement multipolaire, et favorisera des équilibres commerciaux dynamiques. Il reposera à nouveau sur un repère universel et intangible : l’or, et une cohabitation avec des monnaies fiduciaires. D’autres mécanismes comme les Gold Bills, les obligations remboursables en or (Gold Bonds), viendront consolider le système dans de prochains paliers de maturité.

Mais que font les pays Européens ?

L'Europe a loupé le coche en 2009 pour s’émanciper de sa tutelle américaine et pour participer significativement à l’organisation de ce prochain système monétaire international, malgré nos appels. C’est une erreur historique, collective, qui jouera en faveur de la remise en cause, à terme, du mode de gouvernance des pays européens, des institutions européennes et des banques centrales occidentales.

La plupart des pays Européens sont aspirés dans le mouvement que nous décrivons et peuvent se raccrocher au nouveau système monétaire initié par les BRICS, en particulier grâce aux accords bilatéraux passés tout dernièrement avec la Chine.[13]

Il s’agit bien évidemment d’inciter les pays Européens à participer dès à présent à ce mouvement de fond historique de manière plus étendue. Continuer de ne pas vouloir le faire dès maintenant, c'est être de toute façon contraint et forcé de le faire plus tard, avec beaucoup plus de problèmes de mise en place, sans compter ceux qui continuent à grossir. Les conséquences sociales et géopolitiques consécutives à chaque année de retard se paieront au prix fort dans le destin de l’Europe.

En particulier, il est essentiel de rappeler qu’à l’opposé des Quantitative Easings, l’or est le souverain remède contre la déflation.[14]

Après un état du Canada[15], la Banque d'Angleterre a surpris tous les analystes habituels en devenant le premier pays européen à émettre des obligations en Renminbi.[16]
Cette annonce prouve que la BoE préfère favoriser un système monétaire international basé sur le duo Yuan/Rouble et donc intimement adossé aux banques centrales, plutôt qu'un autre plus distribué et basé sur l'or.
En effet pour la BoE, annoncer reconstituer des réserves d'or serait renier une stratégie de 150 ans.
La City espère ainsi devancer ce nouveau marché et continuer à dominer les pays européens (à defaut du monde) en devenant le centre financier européen incontournable pour le clearing en RMB.
Au moins 4 autres pays européens ont compris la manœuvre: France, Suisse, Allemagne, Luxembourg. Tous luttent maintenant entre eux pour être des seconds couteaux par rapport à l'Eurasie qui se consolide. Nous aurons confirmation de ce pitoyable vide stratégique européen au G20 de Novembre en Australie. C'est ce que nous avions appelé la satellisation des pays européens.

Si l’Europe se contente de rester dans cette position, elle place naturellement le Renminbi échangeable en or au SGE sur le chemin le plus favorable pour le développement du commerce international. La Chine ayant compris la limite lointaine mais mortelle pour eux de ce système, en observant les Etats Unis depuis 1971, favorisera à terme la diffusion internationale des Gold Bills qui résolvent élégamment ce problème.

Remonté des profondeurs de l’histoire, l’or aura alors émergé à nouveau à l’air… libre. Free gold.




[*] L'accumulation des stocks disponibles extraits des mines depuis la préhistoire humaine sur tous les continents, ainsi que son caractère inaltérable et recyclable ("l'or ne se mange pas") explique que le ratio (volume de la production annuelle / stock mondial d'or) est le plus faible de toutes les matières ou composés sur notre planète. Ceci induit une stabilité sans équivalent de la valeur de l'or, issue d'un lent et continu processus historique. A ce titre, la valeur de l'argent métal fluctue librement: elle aussi est mesurée par rapport à celle de l'or.
[**] "Ainsi la valeur n'est pas inhérente aux biens, elle n'en est pas une propriété [...]. C'est un jugement que les sujets économiques portent sur l'importance des biens [...]. Il en résulte que la valeur n'existe pas hors de la conscience des hommes". / "Value does not exist outside of the consciousness of mankind". (Carl Menger, 1840 – 1921)
[1] Gold history in the monetary systems since 5000 years : galmarley.com ; Pour un résumé des vraies caractéristiques de la monnaie voir BullionStar, 09/2014.
[1b] Conscience-Sociale.org, 10/2013 et 03/2014 .
[2] i.e. a derivative.
[3] Hugo Salinas Price, ‘How the Dollar Will Die’, 2014/09. 
[4] L’Union Soviétique n’a pas développé de système monétaire international concurrent pour son commerce international ; source : wikipedia
[5] a) Aussi appelé effet réel de commerce ou lettre de crédit, i.e. Gold Bills, tel que décrit par la Nouvelle Ecole Autrichienne d’Economie (NASoE) ; b) Conscience-Sociale.org, 03/2014
[6] Voir la liste des processus de rapatriements des stocks d’or nationaux, dont 8 concernent des pays européens. 
[7] A échéance du contrat, si celui-ci n’est pas reconduit (roll). 
[8] a) A 2012 paper, ‘A Study on Optimal Scale of China Gold Reserves’ co-authored by the Vice-President of the China Gold Association recommended that by 2020, China’s optimal reserves should be 5,787 – 6,750 tons. If the State Council has followed this recommendation then the PBOC should currently hold between 2,947.2 tons and 3332.4 tons of gold in reserve (source: GoldSeek.com, 10/2013); b) BullionStar, 09/2014; c) Sina Finance, '黄金的战略使命 支撑人民币走向世界', 07/2014.
[9] a) In Gold We Trust, ‘SGE Chairman: China Should Become First Class International Gold Market’, 05/2014; b) Scrapmonster.com, ‘China Invites Top Foreign Banks to Global Gold Exchange’, 05/2014 ; c) Reuters, 05/2014 ; d) Inteligencia financiera global, 05/2014; e) In Gold We Trust, ‘LBMA Forum Singapore - Xu and Zhou speeches’, 06/2014. 
b) L'ouverture était annoncée 10 jours plus tard : Bloomberg, ‘The Shanghai Gold Exchange plans to start bullion trading in the city’s free-trade zone on Sept. 26’, 08/2014 ; c) The SGE IB will facilitate off shore gold trading in renminbi, it will not open the Chinese physical gold market to the rest of the world. Source: Bullion Star, 08/2014
[11] With 1104 tonnes, Russia now has the world’s 6th largest gold reserves, officially higher than both Switzerland’s 1,040 tonnes and China’s 1054 tonnes. As well as Kazakhstan, other countries in the region have also actively been increasing official gold reserves this year including Azerbaijan, Kyrgyzstan and Tajikistan. Source: GoldSeek, 08/2014
[12] Voice of Russia, ‘Russian-led 'gas OPEC ' may emerge soon’, 05/2014. 
[14] NASoE, ‘The deflation nobody understands’, 11/2013.
[15] CBC News, 'British Columbia to issue Chinese-denominated bonds', 11/2013.
[16] Xinhua, 'Britain to include China's RMB as foreign currency reserve', 09/2014.

Mises à jour 
20/09 : ajout du § comportant les réf. 15 et 16 et des figures 6b, 6c ; enrichissement de la figure 11 ; ajout des notes * et **.
29/09 : ajout de la video
05/10 : ajout des références 8b et 8c, mise à jour de la figure 5

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