2017/06/01

Non à l’acédie égoïste


l'EXHORTATION APOSTOLIQUE 
EVANGELII GAUDIUM
DU PAPE 
FRANÇOIS 
AUX ÉVÊQUES 
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES 
AUX PERSONNES CONSACRÉES 
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS 
SUR L'ANNONCE DE L'ÉVANGILE
DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI


81. Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre. Aujourd’hui, par exemple, il est devenu très difficile de trouver des catéchistes formés pour les paroisses et qui persévèrent dans leur tâche durant plusieurs années. Mais quelque chose de semblable arrive avec les prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante.

82. Le problème n’est pas toujours l’excès d’activité, mais ce sont surtout les activités mal vécues, sans les motivations appropriées, sans une spiritualité qui imprègne l’action et la rende désirable. De là découle que les devoirs fatiguent démesurément et parfois nous tombons malades. Il ne s’agit pas d’une fatigue sereine, mais tendue, pénible, insatisfaite, et en définitive non acceptée. Cette acédie pastorale peut avoir différentes origines. Certains y tombent parce qu’ils conduisent des projets irréalisables et ne vivent pas volontiers celui qu’ils pourraient faire tranquillement. D’autres, parce qu’ils n’acceptent pas l’évolution difficile des processus et veulent que tout tombe du ciel. D’autres, parce qu’ils s’attachent à certains projets et à des rêves de succès cultivés par leur vanité. D’autres pour avoir perdu le contact réel avec les gens, dans une dépersonnalisation de la pastorale qui porte à donner une plus grande attention à l’organisation qu’aux personnes, si bien que le “tableau de marche” les enthousiasme plus que la marche elle-même. D’autres tombent dans l’acédie parce qu’ils ne savent pas attendre, ils veulent dominer le rythme de la vie. L’impatience d’aujourd’hui d’arriver à des résultats immédiats fait que les agents pastoraux n’acceptent pas facilement le sens de certaines contradictions, un échec apparent, une critique, une croix.

83. Ainsi prend forme la plus grande menace, « c’est le triste pragmatisme de la vie quotidienne de l’Église, dans lequel apparemment tout arrive normalement, alors qu’en réalité, la foi s’affaiblit et dégénère dans la mesquinerie ». La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée, se développe. Déçus par la réalité, par l’Église ou par eux-mêmes, ils vivent la tentation constante de s’attacher à une tristesse douceâtre, sans espérance, qui envahit leur cœur comme « le plus précieux des élixirs du démon ». Appelés à éclairer et à communiquer la vie, ils se laissent finalement séduire par des choses qui engendrent seulement obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme apostolique. Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation !

Donné à Rome, près de Saint Pierre, à la conclusion de l’Année de la foi, le 24 novembre 2013, Solennité de Notre Seigneur Jésus Christ, Roi de l’Univers, en la première année de mon Pontificat.

Commentaire : 
L'action du pape François depuis son élection pourrait être mise en lumière par cet extrait de La crise du monde moderne (1927) de René Guénon :


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