Affichage des articles dont le libellé est liberté. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est liberté. Afficher tous les articles

2013/02/11

L'hiver américain


 Le 11 janvier 2013 à New-York, Aaron Swartz[1] mettait fin à ses jours. Il était l’objet d’une procédure depuis janvier 2011 pour un acte des plus bénins : cet intellectuel de 26 ans avait copié 4 millions d’articles scientifiques de la base JSTOR au contenu de laquelle il avait droit d’accès du fait de ses activités au MIT. Bien que l’intégralité de ces articles ait été financée par des fonds publics, la plupart ne pouvaient être consultés qu’avec une souscription. C’est en signe de protestation contre les limitations d’accès à un bien commun qu’Aaron Swartz a commis cet acte. Etant un des fers de lance du mouvement revendiquant un accès libre aux informations[2], Aaron Swartz n’a pourtant jamais rediffusé ces fichiers et les a rendus en juin 2011 au MIT. Dès le mois suivant il était cependant mis en accusation par un procureur, qui a encore alourdi les charges pesant contre lui en septembre 2012. Aaron Swartz était alors l’objet, toujours pour les mêmes faits, de 13 chefs d’accusation et encourait jusqu’à 35 ans de prison, 1 million de dollar d’amende  accompagnés de procédures de rétorsion aggravées. À titre de comparaison éclairante, la loi U.S. punit d’un maximum de 20 ans de prison les faits qualifiés d’aider des terroristes à se procurer une arme nucléaire.[3] Le 9 janvier JSTOR ouvrait finalement ses archives au public, mais la machine de persécution du système judiciaire US ne pouvait plus être arrétée.

En ce premier jour de mémoire[4] , il nous semble important de souligner la contribution essentielle d’Aaron Swartz dans le domaine de la politique des libertés individuelles. Celles-ci sont en effet à nouveau profondément questionnées avec l’émergence des  systèmes d’informations sociaux et l’accès de masse à internet. C’est ici un moment historique où les trois entités du pacte social (les citoyens, les entreprises et l’Etat) sont dans l’obligation de redéfinir attentivement leur positionnement respectif, et qui survient conjointement au déclin des Etats-Unis sur la scène internationale. Nous y reviendrons en dernière partie après avoir discuté :
  • La symbolique du geste d’Aaron Swartz
  • Les conséquences immédiatement observées
  • Les autres conséquences que l’on peut attendre des tendances lourdes ainsi mises en lumière

Tout un symbole

Aaron Swartz vivant est déjà un symbole : jeune, inventif, entrepreneur de start-ups, intellectuel engagé, progressiste, il a déjà acquis un prestige certain dans la génération connectée par le courage de ses positions sur les libertés individuelles menacées et son lobby contre la loi SOPA. C’est aussi un symbole pour le système qui érode les libertés individuelles de manière accélérée depuis 2001.[5]
La mort d’Aaron Swartz nous rappelle celle de Mohamed Bouazizi, qui s’est lui aussi suicidé à 26 ans en signe de protestation ultime contre la politique de son gouvernement. Son geste sera un symbole pour toute une génération de jeunes qui se reconnaitront en lui. De la même manière, la mort d’Aaron Swartz est aussi un geste politique, celui d’un homme persécuté par un système judiciaire qui trahit ses citoyens au lieu de les protéger[6]. Les deux années de procédures kafkaïennes[7] où le procureur outrepasse sans aucun contrôle l’esprit et la lettre des lois en utilisant un texte entré en vigueur un mois après l’entrée des U.S. dans la première guerre mondiale[8] ou le très controversé CFAA[9] dans le seul objectif de contraindre Aaron Swartz à plaider coupable pour lui permettre d’obtenir une sentence plus faible, ne nous rappelle rien d’autre que Le Procès[10], où un homme de 30 ans est brusquement entraîné dans un système judiciaire arbitraire, inhumain et absurde. Aaron Swartz aura finalement une conscience  morale plus forte que celle de Joseph K. Sa lucidité, et non son désespoir, lui indique que « la seule façon de ne pas perdre au jeu auquel le gouvernement le contraint, c’est de ne pas jouer ». S’il sort ensuite du jeu, c’est nous qui endossons son témoignage[11].


Les premières conséquences

La mort d’Aaron Swartz présente tous les ingrédients pour accélérer une prise de conscience au sein de la communauté connectée. Comme tout symbole, il est fédérateur.
La partie change de dimension, mais pas de perspectives. Les nouveaux acteurs ne se sentent pas seulement concernés ; ils se sentent eux-mêmes visés par les intentions politiques d’un système judiciaire coercitif, qui ignore superbement les dérives extraordinaires des acteurs du système financier et qui persécute les défenseurs des libertés individuelles. Cette idée même du sens commun de la justice bafouée est capable de fédérer au-delà des frontières traditionnelles des partis. Ce n’est pas un petit groupe de personnes qui est remis ouvertement en cause, mais bien la réelle légitimité d’un système de gouvernement qui autorise de tels traitements judiciaires. C’est donc une profonde crise politique qui s’annonce.

Les premières initiatives sont de deux ordres :

1) La mobilisation « Opération Angel » tout d’abord, qui vise à prolonger immédiatement l’action politique de Aaron Swartz en modifiant la loi CFAA, par un lobbying contre la proposition de loi CISPA, ou des pétitions pour remplacer les procureurs et intervenants clés dans l’affaire Aaron Swartz. Ces actions sont publiques et se prolongent en manifestations dans la rue. Pour les participants elles sont connectées au mouvement Anonymous, qui est le groupe politique informel le plus proche des positions d’Aaron Swartz. Ainsi le port des célèbres masques et les #Anonymous sont fortement corrélés à ces manifestations :

 Impacts des premières mobilisations sur le réseau Twitter ;
Source : topsy.com

2) La radicalisation du mouvement apparait dès le 25 janvier avec le hacking du site ussc.gov qui lance la phase publique de la mobilisation « Last Resort » (dernier recourt). Ce type de radicalisation avait été anticipée.
Il s’agit ici d’une action à visée médiatique, qui se déroule exclusivement sur Internet et aux marges des lois en vigueur. Le message diffusé[12] à cette occasion par ce collectif de la mouvance Anonymous exprime très clairement plusieurs motivations :
  • Qu’il s’agit d’une opération préparée de longue haleine en réponse aux arrestations d’hacktivistes.  On pense notamment à l’arrestation du groupe LulzSec, aux US et en Europe[13] suite au retournement  de « Sabu » en 2011, qui a été convaincu de collaborer en tant qu’agent double avec le FBI. Les peines encourues sont toujours supérieures à 20 ans de prison.

  • Que son déclanchement est la conséquence de la mort d’Aaron Swartz, directement causée par la persécution d’Etat dont il a fait l’objet ;
  • Que le sens commun de la justice est au-dessus de l’expression de la loi par l’Etat, quand celle-ci est perçue comme une trahison de l’intérêt des citoyens ou de leurs libertés ;
  • Qu’il n’y a pas de volonté de négocier ; c’est un ultimatum qui est lancé au gouvernement pour qu’il lance une réforme en profondeur des nombreuses lois liberticides ;
  • Qu’il s’agit d’une pure expression politique du combat en cours entre citoyens et Etat pour préserver les libertés individuelles, et pas une simple performance technique à des fins de publicité. Si des interlocuteurs sont désignés pour les réformes à engager, il s’agit d’intellectuels progressistes qui n’ont aucun lien avec ces hackings ;
  • Qu’il ne peut y avoir qu’une seule issue : la mise en place par le gouvernement des réformes exigées. Le combat ne cessera pas avant cela ; il s’étend donc dans le temps et dans l’espace puisque plusieurs sites fédéraux ont été infiltrés selon Anonymous ;
  • Que le message s’adresse aux citoyens du monde entier, et pas seulement aux Américains même si c’est seulement ce dernier qui est visé ; c’est une caractéristique essentielle de ce mouvement de contestation, qui recrute des membres actifs au-delà des frontières, même pour des causes dont on pourrait naïvement penser qu’elles ne concernent que les citoyens américains ;

Après le DoJ: la FED attaquée

On remarque que cet ultimatum pouvait prendre de court le reste du mouvement Anonymous, jusqu’à présent plus modéré. Pourtant cette opération a été « validée » par le reste du mouvement (ses auteurs ont notamment participé à de nombreuses autres opérations préalables) et est ainsi officiellement supportée par le collectif #YAN chargé de médiatiser les opérations. Les très rares messages qui expriment des doutes ou des distances n’ont aucun écho (j’exclue les milliers de comptes twitter tout juste piratés et qui ont tous le même jour diffusé le même commentaire négatif pour discréditer cette opération). Désormais, il n’est pas exagéré de dire que tout membre d’Anonymous qui ne souhaiterait pas être confondu avec cette rébellion contre le gouvernement U.S. devrait au préalable créer pour se distinguer un autre « concept-chapeau », une autre marque. Anonymous a répondu à la logique d’escalade imposée par l’érosion programmée des libertés civiques.

Deuxième remarque : le premier hacking de cette opération s’est accompagnée de la diffusion de plusieurs archives cryptées, pour l’instant sans la clé de lecture. Elles contiennent sans doute des fichiers récupérés sur des sites fédéraux. Ce choix de diffusion, s’il vise explicitement à contacter de manière sécurisée des journaux, n’utilise pas les procédures déjà rodées du canal Wikileaks. Cela a surpris la communauté et entraîné un doute chez les médias qui redoutent déjà de ne plus être protégés par le 1er amendement[14], jusqu’à la diffusion le 4 février d’une liste de 4600 noms de hauts représentants des institutions financières des U.S. avec leurs coordonnées et mots de passe (cryptés), obtenus en hackant certains sites de la Reserve Federale.


La Fed a bien tenté de minimiser cette infiltration[15], mais après la nouvelle diffusion le 8 février d’un listing de 120 000 fichiers présents sur plusieurs serveurs de la FED[16], il faut en tirer d’autres conséquences :

  • L'immense majorité de ces fichiers sont d'accès public, mais pas tous. Ces Anonymous ont eu accès pendant une longue durée au système de fichiers de ces serveurs, en lecture et en écriture ; 
  • Il est donc parfaitement possible que les Anonymous aient pu placer de nouveaux fichiers java ou des scripts ColdFusion en remplacement de certains présents, ce qui potentiellement pouvait permettre d’enregistrer les mots de passe circulant dans le flot d’exécution de l’application utilisée par les banquiers, lesquels sont à ce moment-là le plus souvent stockés en mémoire et sans cryptage.
  • En effet, il faut s’interroger sur le fait de diffuser la liste des mots de passe cryptés sur Internet : la première mesure prise sera de réinitialiser tous les mots de passe une fois l’application restaurée par la FED dans un état non compromis (ou sensé l’être !... si un attaquant était en mesure d’opérer en mode "man-in-the-middle" ou avec un code applicatif compromis à ce moment critique, il récupérerait en quelques heures ses logs avec tous les nouveaux mots de passe non cryptés qui viennent d'être choisis par les utilisateurs…). 
  • Pour notre part, cela signifie que ces mots de passe avaient déjà remplis leur usage pour les Anonymous, c’est-à-dire que leur valeur était connue… et qu’ils avaient déjà été utilisés par ailleurs. Etre en capacité de modifier les fichiers du serveur d’applications signifie pouvoir envoyer sur le PC des banquiers utilisateurs un code approprié qui peut exploiter leurs configurations précises : plugins java, flash, navigateur… les failles « zero-day » de ces composants deviennent particulièrement faciles à utiliser pour récupérer ensuite d’autres informations ou fichiers directement sur le PC de ces utilisateurs. Le listing diffusé des fichiers n’en fait pas mention… mais cette opération Last Resort ne fait que commencer. On comprend qu'outre les noms et adresse livrés au public, le plus déstabilisant pour le système financier U.S. c’est ce que nous ignorons encore et qui soit en la possession des Anonymous tant les possibilités sont vastes ! C’est une pratique habituelle des guerres de l’information.
Le même jour, Bloomberg annonçait qu’Obama avait l’intention d’accélérer la publication d’un ordre exécutif présidentiel permettant d’accroître la cybersurveillance[17] (aussi nommé cybersécurité suivant de quel côté on se trouve) dans la lignée de la proposition CISPA. L'escalade continue.[18]

Terminons cette partie par une précision : 
l’ex-policier Dorner a lancé le 4 février une vengeance personnelle meurtrière contre plusieurs personnes de son ancien service, en publiant auparavant sur sa page facebook un long manifeste intitulé lui aussi Last Resort.
Cet homme, patriote et soldat, qui a totalement perdu confiance dans le système judiciaire et policier de Los Angeles, qui se déclare explicitement soutenir Obama et le camp démocrate, est contre la vente libre des armes à feu, n’a aucune connexion avec l’opération des Anonymous. Pour reprendre le titre du dernier fichier diffusé par ces Anonymous : « Dorner est un symptôme, pas un syndrome »

[part 3 to be continued soon]




[2] Standard RSS, Open Access, Creative Commons, Demand Progress, mouvement contre la loi SOPA/PIPA
[3] “Participation in nuclear and weapons of mass destruction threats to the United States”, 18 USC § 832
[6] Boston.com, 02/01/2013
[10] Œuvre de Franz Kafka, rédigée entre 1914 et 1925
[11] The Nation, 01/12/2013
[12] See the video (full text here)
[13] CNN.com, 03/06/2012
[14] EFF.org, 07/2012
[15] Networkworld.com, 02/08/2013
[16] ZdNet.com, 02/08/2013
[17] TheVerge.com, 02/08/2013
[18] En réponse à cet ordre présidentiel (critiqué ici), le 4ème round de l'opération a été déclenché au moment du discours sur l'Etat de l'Union le 12 février (#OpSOTU). Ce fut un échec, sans doute par manque de temps de préparation des détails techniques. Mais on peut se demander pourquoi les leaders de #OpLastResort n'ont pas dévoilé à cette occasion la ou les clés de décryptage des fichiers "warheads" qu'ils avaient diffusé au départ de l'opération, puisque cet ordre présidentiel représente justement les lois liberticides contre lesquelles ils s'élèvent. Ils se sont contentés de dire qu'il y aurait 12 rounds dans ce combat contre le gouvernement US.
Le 17 février, un autre Anonymous apparemment indépendant des leaders de l'opération #OpLastResort a diffusé sur Zerobin des données brutes qu'il déclare extraites d'une base de données du site State.gov, le ministère des affaires étrangères US. Dans l'attente de confirmations, il faut rester prudent à ce sujet pour l'instant, des manipulations restent parfaitement possibles. Rien de plus facile que de créer des fausses données apparemment ou partiellement vraies.


Le jour d'après, les leaders d'#OpLastResort ont annoncé un nouveau hack sur une banque d'investissement qui s'occupe notamment des Municipal bonds. C'est un client de l'agence Stratfor qui avait été hackée par Anonymous et dont un important historique d'emails avait ensuite été diffusé via Wikileaks début 2012. Voir cet article de ZdNet.


2013/01/04

Rapport du Parlement européen sur le programme de la CIA de détention secrète et de torture

La terreur qui frappe l’Amérique le 11 Septembre 2001 met les institutions des Etats démocratiques à rude épreuve. Le lendemain de l’attentat, les Etats-Unis déclarent ouverte « la guerre contre le terrorisme » et lancent une vaste traque planétaire et clandestine des présumés terroristes. Il s’agit du programme de « restitutions extraordinaires » élaboré par la CIA. Il est agréé par les Etats-membres de l’OTAN et mis en œuvre par leurs services spéciaux entre 2001 et 2006.

Ses victimes - combien sont-elles ? - ont été kidnappées, torturées, enfermées ; leur intégrité et leur dignité ont été profanées de façon procédurale et systématique. Certaines croupissent toujours, sans espoir de procès, à Guantánamo. A ce jour aucun responsable politique, aucun agent des services d’Etat, aucun président d’entreprise sous-traitante, ni en Europe ni aux USA, n’a été tenu de s’expliquer et de rendre des comptes.

Partout l’impunité fait loi. En Europe, les Etats ont eu à connaître de cette entreprise criminelle. Ils y ont participé, tacitement ou de façon active, certains jusqu’à autoriser plusieurs centaines de vols clandestins de la CIA dans leur espace aérien, d’autres jusqu’à tolérer sur leur territoire des sites de détention et de torture secrets.

Onze ans plus tard, après de nombreux rapports, enquêtes, articles et témoignages confondants, les Etats n’ont toujours pas lâché prise : pas de reconnaissance des faits, pas d’excuses ni de réparations aux victimes, pas de responsabilités identifiées. Le rapport adopté le 11 septembre 2012, que j’ai eu la responsabilité de conduire pour le Parlement européen, met les Etats européens au pied du mur de la vérité. Il conforte et légitime les travaux des journalistes, des défenseurs des droits de l’Homme, des parlementaires, des juristes, des experts, des victimes, qui jour après jour, relèvent le défi de vérité.

Non, le Parlement européen n’accepte pas qu’au nom des citoyens et de leur sécurité, les États développent des pratiques illégales clandestines, violatrices des droits de l’Homme et se dispensent de rendre des comptes. En 2007, mon prédécesseur, Claudio Fava, avait dû affronter les outrances assumées des atlantistes virulents, pour lesquels il n’y aura jamais de plus belle preuve de loyauté envers l’Amérique que le secret gardé sur l’exécution du programme de la CIA. Pendant les travaux de la commission d’enquête, ils avaient déployé tous leurs efforts pour saper la démarche d’enquête, discréditer les témoins auditionnés, protéger les secrets d’État et dénier le besoin de vérité.

Mais à l’heure où les télégrammes diplomatiques ont pignon sur le net, où les archives des services secrets s’étalent dans les ruines des dictatures déchues, où les victimes des tortures passent du côté du pouvoir, les négationnistes sont moins diserts. Seuls désormais, les Etats tentent de protéger leurs secrets de polichinelle. Poussés à rendre des comptes, ils rechignent, tergiversent, mentent, feignent, retardent, camouflent. Ils se tiennent par la barbichette à qui parlera le dernier !

Lors de l’audition organisée au Parlement européen en mars 2012, aucune autorité invitée n’est venue défendre son enquête, pas un procureur, pas un ministre, pas un parlementaire. La conjuration nationaliste est-elle trop forte ? Les pressions américaines trop convaincantes ? « L’Etat profond » trop puissant ? L’enquête trop peu crédible ? L’Europe ne doit pas abandonner les Etats à leurs démons. La clause européenne de solidarité et de confiance mutuelle doit être activée, elle est le levier qui peut forcer le couvercle de la vérité.

L’Europe serait la première victime du déni. Sa promesse de dignité et de démocratie anéantie, elle perdrait toute autorité ! Le lendemain de l’adoption du rapport, le 12 septembre 2012, répondant à la presse, le Président le la République de Roumanie dit : « La Roumanie suivra les recommandations du Parlement européen ». Une onde d’espoir parcourt la planète des « épris de justice ». La vérité viendra.

Ce texte empreint d'une profonde volonté de renforcer le contrôle démocratique est la préface de la député européenne Hélène Flautre, publiée le 6 décembre 2012, à son livre en libre diffusion :  « Le programme secret de la CIA et le Parlement Européen :  Histoire d'un forfait, histoire d'un sursaut ».
Je ne saurais trop vous conseiller de télécharger le rapport officiel annexé à ce livre enquête d’Hélène Flautre et de Bertrand Verfaillie ou le visionner avec d'autres vidéos sur le site d’EELV au parlement européen.
Il s'agit d'une remarquable et si précieuse mise en application d'une parole de Arendt: « Le courage est la première de toutes les vertus politiques ». C'est aussi l'aune à laquelle on mesure la capacité d'un peuple à maîtriser son devenir. Ce rapport est un acte qui grandit tous les Européens, grâce aux vertus des « obstinés de la vérité » et de la transparence.


2012/03/18

Le Manifeste de l'Homme Indépendant, par Albert Camus

"Il est difficile aujourd'hui d'évoquer la liberté de la presse sans être taxé d'extravagance,
accusé d'être Mata-Hari, de se voir convaincre d'être le neveu de Staline.
Pourtant cette liberté parmi d'autres n'est qu'un des visages de la liberté tout court et l'on comprendra notre obstination à la défendre si l'on veut bien admettre qu'il n'y a point d'autre façon de gagner réellement la guerre.
Certes, toute liberté a ses limites. Encore faut-il qu'elles soient librement reconnues. Sur les obstacles qui sont apportés aujourd'hui à la liberté de pensée, nous avons d'ailleurs dit tout ce que nous avons pu dire et nous dirons encore, et à satiété, tout ce qu'il nous sera possible de dire. En particulier, nous ne nous étonnerons jamais assez, le principe de la censure une fois imposé, que la reproduction des textes publiés en France et visés par les censeurs métropolitains soit interdite au Soir républicain (1), par exemple. Le fait qu'à cet égard un journal dépend de l'humeur ou de la compétence d'un homme démontre mieux qu'autre chose le degré d'inconscience où nous sommes parvenus.

Un des bons préceptes d'une philosophie digne de ce nom est de ne jamais se répandre en lamentations inutiles en face d'un état de fait qui ne peut plus être évité. La question en France n'est plus aujourd'hui de savoir comment préserver les libertés de la presse. Elle est de chercher comment, en face de la suppression de ces libertés, un journaliste peut rester libre. Le problème n'intéresse plus la collectivité. Il concerne l'individu. 

Et justement ce qu'il nous plairait de définir ici, ce sont les conditions et les moyens par lesquels, au sein même de la guerre et de ses servitudes, la liberté peut être, non seulement préservée, mais encore manifestée. Ces moyens sont au nombre de quatre : la lucidité, le refus, l'ironie et l'obstination.  
La lucidité suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Dans le monde de notre expérience, il est certain que tout peut être évité. La guerre elle-même, qui est un phénomène humain, peut être à tous les moments évitée ou arrêtée par des moyens humains. Il suffit de connaître l'histoire des dernières années de la politique européenne pour être certains que la guerre, quelle qu'elle soit, a des causes évidentes. Cette vue claire des choses exclut la haine aveugle et le désespoir qui laisse faire. Un journaliste libre, en 1939, ne désespère pas et lutte pour ce qu'il croit vrai comme si son action pouvait influer sur le cours des événements. Il ne publie rien qui puisse exciter à la haine ou provoquer le désespoir. Tout cela est en son pouvoir.  
En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d'opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu'un esprit un peu propre accepte d'être malhonnête. Or, et pour peu qu'on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s'assurer de l'authenticité d'une nouvelle. C'est à cela qu'un journaliste libre doit donner toute son attention. Car, s'il ne peut dire tout ce qu'il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu'il ne pense pas ou qu'il croit faux. Et c'est ainsi qu'un journal libre se mesure autant à ce qu'il dit qu'à ce qu'il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l'on sait la maintenir. Car elle prépare l'avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l'origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l'uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu'elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu'aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge. 
Nous en venons ainsi à l'ironie. On peut poser en principe qu'un esprit qui a le goût et les moyens d'imposer la contrainte est imperméable à l'ironie. On ne voit pas Hitler, pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, utiliser l'ironie socratique. Il reste donc que l'ironie demeure une arme sans précédent contre les trop puissants. Elle complète le refus en ce sens qu'elle permet, non plus de rejeter ce qui est faux, mais de dire souvent ce qui est vrai. Un journaliste libre, en 1939, ne se fait pas trop d'illusions sur l'intelligence de ceux qui l'oppriment. Il est pessimiste en ce qui regarde l'homme. Une vérité énoncée sur un ton dogmatique est censurée neuf fois sur dix. La même vérité dite plaisamment ne l'est que cinq fois sur dix. Cette disposition figure assez exactement les possibilités de l'intelligence humaine. Elle explique également que des journaux français comme Le Merle ou Le Canard enchaîné puissent publier régulièrement les courageux articles que l'on sait. Un journaliste libre, en 1939, est donc nécessairement ironique, encore que ce soit souvent à son corps défendant. Mais la vérité et la liberté sont des maîtresses exigeantes puisqu'elles ont peu d'amants. 
Cette attitude d'esprit brièvement définie, il est évident qu'elle ne saurait se soutenir efficacement sans un minimum d'obstination. Bien des obstacles sont mis à la liberté d'expression. Ce ne sont pas les plus sévères qui peuvent décourager un esprit. Car les menaces, les suspensions, les poursuites obtiennent généralement en France l'effet contraire à celui qu'on se propose. Mais il faut convenir qu'il est des obstacles décourageants : la constance dans la sottise, la veulerie organisée, l'inintelligence agressive, et nous en passons. Là est le grand obstacle dont il faut triompher. L'obstination est ici vertu cardinale. Par un paradoxe curieux mais évident, elle se met alors au service de l'objectivité et de la tolérance. 
Voici donc un ensemble de règles pour préserver la liberté jusqu'au sein de la servitude. Et après ?, dira-t-on. Après ? Ne soyons pas trop pressés. Si seulement chaque Français voulait bien maintenir dans sa sphère tout ce qu'il croit vrai et juste, s'il voulait aider pour sa faible part au maintien de la liberté, résister à l'abandon et faire connaître sa volonté, alors et alors seulement cette guerre serait gagnée, au sens profond du mot.
Oui, c'est souvent à son corps défendant qu'un esprit libre de ce siècle fait sentir son ironie. Que trouver de plaisant dans ce monde enflammé ? Mais la vertu de l'homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. Personne ne veut recommencer dans vingt-cinq ans la double expérience de 1914 et de 1939. Il faut donc essayer une méthode encore toute nouvelle qui serait la justice et la générosité. Mais celles-ci ne s'expriment que dans des cœurs déjà libres et dans les esprits encore clairvoyants. Former ces cœurs et ces esprits, les réveiller plutôt, c'est la tâche à la fois modeste et ambitieuse qui revient à l'homme indépendant. Il faut s'y tenir sans voir plus avant. L'histoire tiendra ou ne tiendra pas compte de ces efforts. Mais ils auront été faits."
[1]: Albert Camus était rédacteur en chef de ce journal publié à Alger

Cet article devait paraître le 25 novembre 1939 dans "Le Soir républicain". Il avait été censuré, et perdu. Il vient d'être retrouvé. Malgré les dates mentionnées, qui peut nier qu'il soit intemporel ? L'homme indépendant Camus s'attache à réveiller notre conscience sociale. Qu'il nous serve de repère


2011/12/08

Gloomy future of the US drawn by Scott Adams

Never we have seen Scott Adams being so desperated. This month he has drawn a foreseeable future of the US, where the two main political parties remain paralysed, and the country looks after any third voice, any new hope, a candidate for instance well known for his military campaigns (not so successful, by the way). But that would only end result of a long transformation into a banana republic.