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2014/06/05

Sortir de la nuit (l'Esprit Européen - partie 3)

Une fois de plus, la nuit grecque dévoile au-dessus de nous les constellations que regardaient le veilleur d'Argos quand il attendait le signal de la chute de Troie, Sophocle quand il allait écrire Antigone - et Périclès, lorsque les chantiers du Parthénon s'étaient tus... Mais pour la première fois, voici, surgi de cette nuit millénaire, le symbole de l'Occident. Bientôt, tout ceci ne sera plus qu'un spectacle quotidien ; alors que cette nuit, elle, ne se renouvellera jamais. Devant ton génie arraché à la nuit de la terre, salue, peuple d'Athènes, la voix inoubliée qui depuis qu'elle s'est élevée ici, hante la mémoire des hommes : « Même si toutes choses sont vouées au déclin, puissiez-vous dire de nous, siècles futurs, que nous avons construit la cité la plus célèbre et la plus heureuse... »

Cet appel de Périclès eût été inintelligible à l'Orient ivre d'éternité, qui menaçait la Grèce. Et même à Sparte, nul n'avait, jusqu'alors, parlé à l'avenir. [...]

Le génie de la Grèce a reparu plusieurs fois sur le monde, mais ce n'était pas toujours le même. Il fut d'autant plus éclatant, à la Renaissance, que celle-ci ne connaissait guère l'Asie ; il est d'autant plus éclatant, et d'autant plus troublant aujourd'hui, que nous la connaissons. Bientôt, des spectacles comme celui-ci animeront les monuments de l'Égypte et de l'Inde, rendront voix aux fantômes de tous les lieux hantés. Mais l'Acropole est le seul lieu du monde hanté à la fois par l'esprit et par le courage.

En face de l'ancien Orient, nous savons aujourd'hui que la Grèce a créé un type d'homme qui n'avait jamais existé. La gloire de Périclès - de l'homme qu'il fut et du mythe qui s'attache à son nom - c'est d'être à la fois le plus grand serviteur de la cité, un philosophe et un artiste ; Eschyle et Sophocle ne nous atteindraient pas de la même façon si nous ne nous souvenions qu'ils furent des combattants. Pour le monde, la Grèce est encore l'Athéna pensive appuyée sur sa lance. Et jamais, avant elle, l'art n'avait uni la lance et la pensée.

On ne saurait trop le proclamer : ce que recouvre pour nous le mot si confus de culture - l'ensemble des créations de l'art et de l'esprit -, c'est à la Grèce que revient la gloire d'en avoir fait un moyen majeur de formation de l'homme. C'est par la première civilisation sans livre sacré, que le mot intelligence a voulu dire interrogation. L'interrogation dont allait naître la conquête du cosmos par la pensée, du destin par la tragédie, du divin par l'art et par l'homme. Tout à l'heure, la Grèce antique va vous dire :

« J'ai cherché la vérité, et j'ai trouvé la justice et la liberté. J'ai inventé l'indépendance de l'art et de l'esprit. J'ai dressé pour la première fois, en face de ses dieux, l'homme prosterné partout depuis quatre millénaires. Et du même coup, je l'ai dressé en face du despote. »

C'est un langage simple, mais nous l'entendons encore comme un langage immortel.

Il a été oublié pendant des siècles, et menacé chaque fois qu'on l'a retrouvé. Peut-être n'a-t-il jamais été plus nécessaire. Le problème politique majeur de notre temps, c'est de concilier la justice sociale et la liberté ; le problème culturel majeur, de rendre accessibles les plus grandes oeuvres au plus grand nombre d'hommes. Et la civilisation moderne, comme celle de la Grèce antique, est une civilisation de l'interrogation ; mais elle n'a pas encore trouvé le type d'homme exemplaire, fût-il éphémère ou idéal, sans lequel aucune civilisation ne prend tout à fait forme.

Les colosses tâtonnants qui dominent le nôtre semblent à peine soupçonner que l'objet principal d'une grande civilisation n'est pas seulement la puis­sance, mais aussi une conscience claire de ce qu'elle attend de l'homme, l'âme invincible par laquelle Athènes pourtant soumise obsédait Alexandre dans les déserts d'Asie : « Que de peines, Athéniens, pour mériter votre louange ! » L'homme moderne appartient à tous ceux qui vont tenter de le créer ensemble; l'esprit ne connaît pas de nations mineures, il ne connaît que des nations fraternelles. La Grèce, comme la France, n'est jamais plus grande que lorsqu'elle l'est pour tous les hommes, et une Grèce secrète repose au coeur de tous les hommes d'Occident. Vieilles nations de l'esprit, il ne s'agit pas de nous réfugier dans notre passé, mais d'inventer l'avenir qu'il exige de nous. Au seuil de l'ère atomique, une fois de plus, l'homme a besoin d'être formé par l'esprit. Et toute la jeunesse occidentale a besoin de se souvenir que lorsqu'il le fut pour la première fois, l'homme mit au service de l'esprit les lances qui arrêtèrent Xerxès. Aux délégués qui me demandaient ce que pourrait être la devise de la jeunesse française, j'ai répondu « Culture et courage ». Puisse-t-elle devenir notre devise commune - car je la tiens de vous.

Et en cette heure où la Grèce se sait à la recherche de son destin et de sa vérité, c'est à vous, plus qu'à moi, qu'il appartient de la donner au monde.

Car la culture ne s'hérite pas, elle se conquiert. Encore se conquiert-elle de bien des façons, dont chacune ressemble à ceux qui l'ont conçue. C'est aux peuples que va s'adresser désormais le langage de la Grèce ; cette semaine, l'image de l'Acropole sera contemplée par plus de spectateurs qu'elle ne le fut pendant deux mille ans. Ces millions d'hommes n'entendront pas ce langage comme l'entendaient les prélats de Rome ou les seigneurs de Versailles ; et peut-être ne l'entendront-ils pleinement que si le peuple grec y reconnaît sa plus profonde permanence - si les grandes cités mortes retentissent de la voix de la nation vivante.

Je parle de la nation grecque vivante, du peuple auquel l'Acropole s'adresse avant de s'adresser à tous les autres, mais qui dédie à son avenir toutes les incarnations de son génie qui rayonnèrent tour à tour sur l'Occident : le monde prométhéen de Delphes et le monde olympien d'Athènes, le monde chrétien de Byzance - enfin, pendant tant d'années de fanatisme, le seul fanatisme de la liberté.

Mais le peuple « qui aime la vie jusque dans la souffrance », c'est à la fois celui qui chantait à Sainte-Sophie et celui qui s'exaltait au pied de cette colline en entendant le cri d'Oedipe, qui allait traverser les siècles. Le peuple de la liberté, c'est celui pour lequel la résistance est une tradition séculaire, celui dont l'histoire moderne est celle d'une inépuisable guerre de l'Indépendance - le seul peuple qui célèbre une fête du « Non ». Ce Non d'hier fut celui de Missolonghi, celui de Solomos. Chez nous, celui du général de Gaulle, et le nôtre. Le monde n'a pas oublié qu'il avait été d'abord celui d'Antigone et celui de Prométhée. Lorsque le dernier tué de la Résistance grecque s'est collé au sol sur lequel il allait passer sa première nuit de mort, il est tombé sur la terre où était né le plus noble et le plus ancien des défis humains, sous les étoiles qui nous regardent cette nuit, après avoir veillé les morts de Salamine.

Nous avons appris la même vérité dans le même sang versé pour la même cause, au temps où les Grecs et les Français libres combattaient côte à côte dans la bataille d'Égypte, au temps où les hommes de mes maquis fabriquaient avec leurs mouchoirs de petits drapeaux grecs en l'honneur de vos victoires, et où les villages de vos montagnes faisaient sonner leurs cloches pour la libération de Paris. Entre toutes les valeurs de l'esprit, les plus fécondes sont celles qui naissent de la communion et du courage.

Elle est écrite sur chacune des pierres de l'Acropole. « Étranger, va dire à Lacédémone que ceux qui sont tombés ici sont morts selon sa loi... ». Lumières de cette nuit, allez dire au monde que les Thermopyles appellent Salamine et finissent par l'Acropole - à condition qu'on ne les oublie pas ! Et puisse le monde ne pas oublier, au-dessous des Panathénées, le grave cortège des morts de jadis et d'hier qui monte dans la nuit sa garde solennelle, et élève vers nous son silencieux message, uni, pour la première fois, à la plus vieille incantation de l'Orient : « Et si cette nuit est une nuit du destin - bénédiction sur elle, jusqu'à l'apparition de l'aurore ! ».

(A. Malraux, 1901 - 1976 ; Hommage à la Grèce, 28 mai 1959)

________________________
Liens vers les autres articles de cette série:
Partie 1
Partie 2
Partie 3 (cet article)
Partie 4
Partie 5
Partie 6

2014/01/05

Le point d'arrêt de la pensée unique de l'Occident


Quel est le point commun fondamental entre les prises de position sur les événements actuels aux USA de Noam Chomsky qui se revendique comme anarcho-syndicaliste, de la direction du Monde Diplomatique et des grands médias occidentaux en général (des représentants de tout le spectre politique politiquement correct) et de tous ceux qui se déclarent en faveur de l'appareil sécuritaire d'oppression américain que l'on peut aisément qualifier comme étant typique d'une idéologie extrême (-droite en l’occurrence)?

Je pense qu'il s'agit d'une attitude sociale qui se développe vis-à-vis de l'indépendance de la pensée, ou de la liberté de l'esprit. Ces dernières trouvent leur opposé sous le terme de pensée unique c'est à dire d'une subordination de la pensée, d'un lien de soumission intellectuelle à une obédience quelconque, d'une oblitération de la capacité d'esprit critique, qui est bien imagée par l'expression: accepter de ne voir qu'avec les œillères que l'on se donne.

Cette altération de la psychologie de l'individu plongé dans un corps social traverse toutes les limites des idéologies politiques, et tend à uniformiser les comportements ou les réponses des acteurs. Dans les pays développés, les électeurs ont intuitivement conscience de ce problème de la représentativité politique dans nos démocraties. Le moment est venu de la réformer, nous indique The Economist.

Toutes les idéologies politiques actuelles se sont construites et développées contre le marxisme: soit en s'appuyant contre lui, soit en opposition étroite face à lui. Nécessairement, elles sont donc profondément imprégnées de la structuration de la réalité sociale marxiste qui les a façonnées, y compris et surtout pour ses plus farouches opposants (le fascisme). La disparition de l'URSS n'a strictement rien changé de ce point de vue. Il est donc justifié de parler d'un terreau de pensée unique, commun à toutes.

Pour illustrer ceci, relisons ce que Berdiaeff, ce grand penseur russe qui a observé le développement du marxisme, du bolchevisme et du fascisme, a écrit au siècle dernier [1]. Il nous apprend que pour ces gens, la vérité et la justice sont déterminées par leur attitude à l'égard de la réalité sociale, et que c'est en cela que réside leur erreur commune.
[Nous étendons ci-dessous les propos de Berdiaeff qui concernaient les attitudes des marxistes et fascistes de son époque à l'ensemble des occurrences de la pensée unique, telles celles que j'ai cité au début. Choisissez la déclinaison qui vous parle le plus.]
"C'est devant ce problème que se trouvent les intellectuels de nos jours qui reconnaissent la vérité sociale de [la pensée unique]. On dénie à [un individu] le droit de dire ce qu'il croit être la vérité sur [la pensée unique], sous prétexte que la vérité ne peut se révéler à l'homme individuel, [...], la vérité étant le produit de la lutte révolutionnaire [de la pensée unique] et devant contribuer à la victoire de celle-ci.
La vérité, alors même qu'elle se rapporte aux faits les plus incontestables, devient un mensonge, si elle peut nuire à la victoire de [la pensée unique], tandis que le mensonge peut devenir un moment dialectique nécessaire de la lutte [de la pensée unique]
[...]
L'attitude à l'égard de la vérité a considérablement changé dans le monde contemporain. Marxistes et fascistes prétendent, les uns et les autres, que la vérité est un produit de collectivités et qu'elle ne se manifeste et ne se révèle qu'au cours de lutte collectives; que l'individu ne saurait connaître par lui-même la vérité et l'affirmer à l'encontre de la collectivité. J'ai assisté à la formation de cette manière de voir pendant les années de ma jeunesse..." 
Contre cette erreur primordiale dénoncée par Berdiaeff, il s'agit donc de défendre la vérité désintéressée, l'indépendance de l'intellect et le droit de jugement personnel qui sont les conditions nécessaires pour établir une vérité et une justice qui ne soient pas dévoyées. C'est le point d'arrêt de la pensée unique de l'Occident, celui qui marque le retour du balancier dans l'autre sens. Et nous constatons que c'est encore une fois en Russie que le fer de lance de cette philosophie, qui peut séduire des partisans de tous les partis politiques traditionnels, se dessine de nos jours.

[1] Nicolas Berdiaeff, De l'esclavage et de la liberté de l'homme, 1946

2013/09/08

Carving #freedom, 4350 years before Paul Eluard

 [1] 
Urukagina, the leader of the Sumerian city-state of Girsu/Lagash, led a popular movement that resulted in the reform of the oppressive legal and governmental structure of Sumeria. The oppressive conditions in the city before the reforms is described in the new code preserved in cuneiform on tablets of the period: "From the borders of Ningirsu to the sea, there was the tax collector." During his reign (ca. 2350 B.C.) Urukagina implemented a sweeping set of laws that guaranteed the rights of property owners, reformed the civil administration, and instituted moral and social reforms. Urukagina banned both civil and ecclesiastical authorities from seizing land and goods for payment, eliminated most of the state tax collectors, and ended state involvement in matters such as divorce proceedings and perfume making. He even returned land and other property his predecessors had seized from the temple. He saw that reforms were enacted to eliminate the abuse of the judicial process to extract money from citizens and took great pains to ensure the public nature of legal proceedings. 

[2] 
As can be gathered from what has already been said about social and economic organization, written law played a large role in the Sumerian city. Beginning about 2700 B.C., we find actual deeds of sales, including sales of fields, houses, and slaves. From about 2350 B.C., during the reign of Urukagina of Lagash, we have one of the most precious and revealing documents in the history of man and his perennial and unrelenting struggle for freedom from tyranny and oppression. This document records a sweeping reform of a whole series of prevalent abuses, most of which could be traced to a ubiquitous and obnoxious bureaucracy consisting of the ruler and his palace coterie; at the same time it provides a grim and ominous picture of man's cruelty toward man on all levels—social, economic, political, and psychological. Reading between its lines, we also get a glimpse of a bitter struggle for power between the temple and the palace—the "church" and the "state"—with the citizens of Lagash taking the side of the temple. Finally, it is in this document that we find the word "freedom" used for the first time in man's recorded history; the word is amargi, which, as has recently been pointed out by Adam Falkenstein, means literally "return to the mother." However, we still do not know why this figure of speech came to be used for "freedom."     
[3]

[4]

[5]
Le Louvre Museum | number AO 24414 | Foundation tablet | Dimensions 25.7*13.7*7.2 cm  
En-metena E l. 9. 5. 5a
A sixteen-line inscription found on foundation tablets and bricks records En-metena's construction of the E-mus temple.
Translation:
iii 10 - iv 3) He cancelled obligations for Lagas, restored child to mother and mother to child. 
iv 4-5) He cancelled obligations regarding interest-bearing grain loans. 
iv 6 - v 3) At that time, En-metena built for Lugalemus, the E-mus ("House — Radiance [of the Land]") of Pa-tibira, his beloved temple, restoring it for him. 
v 4-8) He cancelled [obligations for the citizens of Uruk, Larsa, and Pa-tibira. 
v 9-11) He restored (the first) to the goddess Inanna's control in Uruk, 
vi 1-3) he restored (the second) to the god Utu's control in Larsa, 
vi 4-6) he restored (the third) t[o] the god Lugal-emus's control in the E-mus (in Pa-tibira). 

[6] 
Le roi En-metena (2404-2375) a régné sur la cité-état de Lagash. La tablette de pierre provient des fouilles effectuées à Tello, ancienne Girsu, située dans l'actuel Iraq. Elle était une pierre de fondation du grand temple de la ville de Bad-Tibira [l'E-mus de Pa-tibira]. Elle date d'environ 2400 av. J.C.  Elle est actuellement conservée au Musée du Louvre, qui l'a acquise en 1971.

[7] !! 
Pour la lecture des inscriptions, la numérotation des cartouches par Frayne se suit de bas en haut et de gauche à droite.
 


[8]
... 
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
...

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer 
Liberté 
(Paul Eluard, 1942) 

Références:

[1] (S.N. Kramer, 1897 – 1990 ; From the Tablets of Sumer: Twenty-Five Firsts in Man's Recorded History, 1956) 
[3] (K. D. Irani, M. Silver ; Social justice in the ancient world, 1995)
[4] (J.S. Bergsma ; The Jubilee from Leviticus to Qumran: A History of Interpretation, Volume 115, 2007)   
[6] Références complètes de la tablette de pierre : Musée du Louvre
[7] Source des images de la tablette et sa localisation dans le musée, pour conclure ces 15 heures de recherche dans notre mémoire commune.
[8] (Paul Eluard, 1895 - 1952 ; Poésies et vérités, 1942)

2013/03/26

L’inéluctable contre-révolution du peuple américain


Voici la version longue de mon article publié ce mois-ci en version courte dans le Magazine d'Anticipation Politique numéro 8, qui comme chaque numéro est traduit en plusieurs langues: français, allemand, espagnol, anglais.

Cette version longue de l'article n'est diffusée ici pour l'instant qu'en français. Elle constitue la partie 2 de cette série d'articles sur les Etats-Unis aux XXème et XXIème siècles. La partie 1 est ici.
Mise à jour 05/2014: la Partie 3 est publiée.



L’inéluctable contre-révolution du peuple américain


Chaque génération a besoin de sa nouvelle révolution
(T. Jefferson, 1743 – 1826) 
Quand l'extraordinaire devient quotidien, c'est qu'il y a révolution
(M. Leiris, 1901 – 1990) 

La République étasunienne a connu des transformations extraordinaires et en continu, en particulier depuis septembre 2001. Nous devons attribuer à ces changements le nom de révolution, ou de coup d’État permanent, qui a progressivement ramené les institutions de la République étasunienne au rang de simples simulacres. Cette révolution est une Grande Régression, c’est-à-dire un mouvement qui ne s’inversera qu’avec la victoire d’une contre-révolution menée par le peuple américain, dont les premiers signes d’existence se font jour. Au terme de cette longue lutte, aucune des institutions fédérales actuelles n’y survivra sans être au mieux profondément transformée.[1,2]

Une partition à 4 mains

La crise systémique globale se traduit avant tout par une crise du statu quo, lequel caractérise une époque où les changements bien que présents et profonds sont peu nombreux et très peu perceptibles à la surface ou dans les médias grand public. La crise agit donc comme un dévoilement, conjointement à une accélération de la dynamique de changement, tout en conservant les tendances lourdes. C’est pourquoi il est si déterminant d’examiner les évolutions de la République américaine sous un angle dynamique, au lieu du constat statique habituellement limité à une photographie instantanée de la situation. Nous identifions quatre forces principales, souvent antagonistes, à l’intensité variable dans le temps et dont la résultante à chaque instant explique la situation dans le passé, dans l’actualité et à venir :
  • la dynamique de la morale, qui produit des idéologies au sein de la société ;
  • la dynamique sociale des échanges entre individus, produite par l’idéologie dominante (ce qui inclut entre autres tous les éléments de l’analyse économique classique) ;
  • la dynamique extérieure, celle mise en œuvre par les autres pays au travers des relations (commerciales, financières, monétaires, militaires, politiques etc.) entre gouvernements et organisations; la politique étrangère vise à influencer ces relations pour obtenir des actions favorables au pays ;
  • la dynamique politique interne, produite par les rapports entre les citoyens, les organisations et le gouvernement fédéral, et dont une partie essentielle est la justice.

Une pensée inadaptée au XXIème siècle

La dynamique de la morale est celle qui évolue le moins rapidement. La production et surtout la diffusion d’idéologie dans la société exigent des décennies. Le néolibéralisme est dominant, et l’écologie politique encore balbutiante aux US. Dans le supramonde [56] au pouvoir, l’idéologie d’un exécutif fort a oblitéré toute pensée alternative.

Les forces progressistes sont désorganisées [3] et dans le vacarme des médias dominants sont réduites à n’élaborer que des stratégies de résistance individuelle au mieux, sinon d’alertes ou de réveil des esprits confortablement engourdis, mais pas des organisations politiques pour propager des idées de justice sociale fondamentalement neuves [4]. La religion n’a qu’un rôle conservateur, à la différence de ce qui s’est produit en Afrique du Sud. Les citoyens en sont réduits à accumuler stock et munitions en attendant le pire, et c’est pour cela que c’est ce qui se produira.

Pour les inégalités, veuillez vous adresser à l’étage supérieur

La dynamique sociale aux U.S. fait l’objet de très nombreux bilans [5] et mesures depuis le début de la crise systémique. Nous ne donnerons ici que trois illustrations, la première sur l’évolution sur un siècle des tranches de revenus aux U.S. ; la suivante sur le programme d’aide alimentaire aux US depuis 1976; et la dernière qui montre la différence d’évolution des plus gros revenus entre les U.S. , UK, France et Canada :




 L’idéologie de la société U.S. est exclusivement orientée vers le principe de liberté. Comme attendu, cette conception tronquée a conduit à sacrifier au bout du compte l’égalité des individus, et à autoriser les crimes au nom de la liberté.[6]

La vague de l’expansionnisme reflue

Concernant la dynamique extérieure, la crise systémique globale a aussi révélée que les États-Unis étaient parvenus au terminus de leur phase d’expansionnisme. Leurs alliés ou vassaux traditionnels se sont au fil des années retournés contre eux (Iran, Philippines, Iraq, Chili, Pakistan…), privilégient d’autres relations (Brésil, Afrique du Sud, Inde et maintenant la Chine et l’Australie) [7], prennent des velléités de souveraineté (Japon et sa politique monétaire), ou sont sur un profond déclin (UK [8]). Un nouvel ordre monétaire international est en préparation active pour supprimer le rôle pivot et exorbitant du dollar,[9] et les U.S. n’ont plus aucun moyen de s’y opposer. S’ils choisissent de ne pas y participer, ils se mettront eux-mêmes hors du système mondial comme l’URSS après Bretton Woods. L’expansionnisme ne peut plus se financer.


Source : NY Times, 02/2013

Le 12 Septembre 2002, G.W. Bush annonçait devant les Nations Unies l’intention de la présidence des États-Unis d’attaquer préventivement l’Iraq, en opposition aux lois internationales en vigueur.[10] Aucun délégué n’a protesté et l’invasion a commencé le 20 mars 2003. Ce jour-là, le cadre multilatéral des lois internationales a été en pratique réduit à la loi de la jungle, parce que ce droit international n’a pas été exercé et garanti. Ce jour est notable par la marque de l’impérialisme américain sur l’ensemble des relations internationales. Cette idéologie est une tendance de fond qui détermine de manière continue la politique étrangère des États-Unis depuis le génocide des guerres indiennes, et celui des Philippines. Cette longue expansion qui a été la source de leur croissance est désormais inversée. Les U.S. se sont retirés d’Iraq, bientôt d’Afghanistan et ce sont aussi les 88000 militaires basés en Europe [11] qui vont être rapatriés aux USA ou en Asie. Mais recycler un complexe militaro-industriel dans les activités civiles est très difficile et lent, comme les U.S. en ont fait l’expérience en 1946-47.

Au nom de ma loi…

Cependant cette agressivité impérialiste, comme à chaque fois dans l’Histoire, a eu aussi pour conséquence au fil des décennies la déstabilisation croissante de l’équilibre des pouvoirs dans la République étasunienne, par l’intermédiaire d’une économie prioritairement basée sur le Keynésianisme militaire. Cette déstabilisation s’est fortement accélérée depuis le 11 Septembre 2001.[12] L’ensemble des libertés individuelles ont alors été l’une après l’autre si profondément remises en question au fil des semaines et des années, le rapport entre citoyens et État et le droit constitutionnel si profondément remaniés [13] que seul le qualificatif de Révolution est adéquat selon nous. C’est un effet boomerang historiquement inévitable qui aurait dû être perçu par tous au moment où le Keynésianisme militaire est devenu une institution au moment de la guerre de Corée, et perdurant sur plusieurs générations.[14] L’appareil d’État « profond », celui qui demeure inchangé lors des élections ou qui garde son pouvoir d’influence intact par le truchement des portes tambour, a assimilé et prolongé ces idées.

La situation politique actuelle de la République américaine est simplement résumée par le Pr. Chalmers Johnson : dans les faits, la séparation des pouvoirs –l’élément le plus fondamental de la Constitution– a disparu.[15] La nouvelle forme du pouvoir n’a pas remplacé ou dissous les institutions du Congrès et de la Cour Suprême, comme l’aurait fait un pouvoir dictatorial issu d’un coup d’État franc et net, ce qui a permis de laisser croire que les simulacres constituaient toujours une branche du pouvoir, à la fois vis-à-vis de la stabilité interne du pays et de celle des relations internationales. Ces années de persistance des institutions obsolètes ont trompé la vigilance des citoyens, bien que des cris d’alertes aient été lancés dès 2002.[16] Sans moyen d’exercer la garantie des droits des citoyens, les libertés de ceux-ci (les 10 amendements de l’U.S. Bill of Rights) ont ensuite été rognées en quelques années par de nouveaux textes.

Le gouvernement des U.S. était déjà connu depuis des décennies pour ses manœuvres secrètes visant à favoriser sa politique d’« expansionnisme » international, qui sont révélées et confirmées après des dénis forcenés.[17] Ces pratiques ont perduré mais le pouvoir exécutif après le 11 Septembre les a étendu sur le sol américain [18] et a de plus ouvertement franchi le Rubicon : il a régulièrement imposé ses conceptions unilatérales, que ce soit comme on l’a vu en ne permettant plus la garantie du droit international ou celle des libertés individuelles, par le biais de nombreux ordres exécutifs ou de « signing statement » du Président sur une loi votée par le Congrès, en invoquant systématiquement un caractère exceptionnel ou temporaire, un nouveau paradigme, de nouveaux concepts inutiles et abscons artificiellement placés hors du champ des lois [19], un état d’urgence, bref un caractère irréversible d’une politique de sécurité nationale dont la mention suffisait à éliminer toute réflexion.[20]

Le pouvoir législatif a lui systématiquement échoué à exercer son pouvoir constitutionnel en limitant les abus de pouvoir de la Présidence : « For the last four years, a republican Congress has done almost nothing to rein in the expansion of presidential power. This abdication of responsibility has been even more remarkable than the president’s assumption of new powers ».[21] Pire, le Congrès a régulièrement fait en sorte de voter des lois qui rendaient légaux les abus de pouvoir des précédents ordres exécutifs.[22] Un Congrès et un président Démocrate n’ont strictement rien changé de cet état de fait, ni n’ont rétabli ce qui avait été bafoué. La tendance lourde de l’ « unitary executive power » s’est poursuivie strictement inchangée parce qu’elle est désormais institutionnalisée.

La branche judicaire enfin n’est pas davantage un contre-pouvoir que le Congrès. Dans les faits, la Cour Suprême délègue ses décisions à des cours plus mineures, dont les juges sont davantage attentifs à ne pas froisser le pouvoir exécutif. C’est ainsi que le système judiciaire U.S. a pu reconnaitre et confirmer le fait que l’État avait le droit de kidnapper, de déporter et de torturer un homme totalement innocent, sans le juger, sans le recours à un avocat, sans lui faire d’excuses ni lui verser des dommages et intérêts.[23] Cette dérive continue de nos jours avec le procès de Manning [24], ou l’absence flagrante de procès des responsables des très nombreux scandales financiers mis à jour depuis 2008. Cette défaillance éclatante de la justice, plus que toute autre, est signe d’une faiblesse mortelle de la démocratie : “Justice is itself the great standing policy of civil society; and any eminent departure from it, under any circumstances, lies under the suspicion of being no policy at all.[25] Elle révèle aussi la collusion entre le système exécutif et Wall Street.[26] Cela n’a rien d’étonnant, l’histoire politique depuis César nous a appris la régularité des dérives fascistes d’un pouvoir exécutif fort.[27] 

Pour couronner le tout, certains dirigeants américains n’assument pas leurs décisions passées. Ils ne veulent pas admettre que ce sont eux ou leurs prédécesseurs qui ont brûlé les navires. Ils rejettent la responsabilité sur le terrorisme. Aussi, la politique sécuritaire des Etats-Unis, au lieu de favoriser sa cohésion sociale, divise encore davantage.[28]

… je vous arrête !

La mort d’Aaron Swartz le 11 janvier [29] nous rappelle celle de Mohamed Bouazizi, qui s’est lui aussi suicidé à 26 ans en signe de protestation ultime contre la politique de son gouvernement. Son geste sera un symbole pour toute une génération de jeunes qui se reconnaîtront en lui. De la même manière, la mort d’Aaron Swartz est aussi un geste politique, celui d’un homme persécuté par un système judiciaire qui trahit ses citoyens au lieu de les protéger [30]. Les deux années de procédures kafkaïennes [31] où le procureur outrepasse sans aucun contrôle l’esprit et la lettre des lois [32] dans le seul objectif de contraindre par cette menace Aaron Swartz à se reconnaître coupable [33] ne nous rappelle rien d’autre que Le Procès [34], dans lequel un homme de 30 ans est brusquement entraîné dans un système judiciaire arbitraire, inhumain, absurde et meurtrier. 


Dernier Recourt

La lutte et la fin d’Aaron Swartz présentent tous les ingrédients pour accélérer une prise de conscience au sein de la communauté connectée. Comme tout symbole, il est fédérateur. 

La partie change de dimension, mais pas de perspectives. Les nouveaux acteurs ne se sentent pas seulement concernés ; ils se sentent eux-mêmes visés par les intentions politiques d’un système judiciaire coercitif, qui ignore superbement les dérives extraordinaires des acteurs du système financier et qui persécute en même les défenseurs des libertés individuelles. Cette idée du sens commun de la justice bafouée est capable de fédérer au-delà des frontières traditionnelles des partis. Ce n’est pas un petit groupe d’hommes politiques qui est remis ouvertement en cause, mais bien la réelle légitimité d’un système de gouvernement qui autorise de tels traitements judiciaires. C’est donc une profonde crise politique qui vient de franchir un nouveau palier.

Après la disparition des droits protégeant les individus dans les textes de lois, les effets directs sur la vie des citoyens américains ne font que commencer. Ceux-ci réagissent et la radicalisation du mouvement de contestation [35] apparaît dès le 25 janvier avec le hack d’un site du ministère de la Justice par Anonymous qui lance la phase publique de la mobilisation « Last Resort » (Dernier Recourt). [36]


Il s’agit ici d’une action à visée médiatique mais avant tout libératoire, qui se déroule d’abord sur Internet et au-delà des lois en vigueur, à la différence du mouvement Occupy. Le message diffusé [37] à cette occasion par OpLastResort exprime très clairement plusieurs motivations qui ne se limitent pas à la dénonciation de pratiques ou de projets de lois liberticides: 
  • Qu’il s’agit d’une opération préparée de longue haleine en réponse aux arrestations d’hacktivistes en 2012 ; Que son déclenchement est la conséquence de la mort d’Aaron Swartz, directement causée par la persécution d’État dont il a fait l’objet ; 
  • Que le sens commun de la justice est au-dessus de l’expression de la loi par l’État, quand celle-ci est perçue comme une trahison de l’intérêt des citoyens ou de leurs libertés ; On doit ici rappeler les persécutions judiciaires menées par le gouvernement contre les autres sonneurs d’alarme [38] ; 
  • Qu’il n’y a pas de volonté de négocier ; c’est un ultimatum qui est lancé au gouvernement pour qu’il lance une réforme en profondeur des nombreuses lois liberticides; Qu’il ne peut y avoir qu’une seule issue : la mise en place par le gouvernement des réformes exigées. Le combat ne cessera pas avant cela ; 
  • Que le message s’adresse aux citoyens du monde entier, et pas seulement aux Américains même si c’est seulement ce dernier qui est visé ; c’est une caractéristique essentielle de ce mouvement de contestation, qui recrute des membres actifs au-delà des frontières, même pour des causes dont on pourrait naïvement penser qu’elles ne concernent que les citoyens américains.

Pointer les noms derrière la finance

OpLastResort annoncera plusieurs hacks successifs de sites gouvernementaux en février 2013. Le premier s’est accompagné de la diffusion de plusieurs archives cryptées, sans la clé de lecture. Elles contiennent sans doute des informations récupérées sur des sites fédéraux. Ce choix de diffusion, s’il vise explicitement à contacter de manière sécurisée des journaux, n’utilise pas les procédures déjà rodées du canal Wikileaks. Cela a surpris la communauté et entraîné un doute chez les médias qui redoutent déjà de ne plus être protégés par le premier amendement [39], jusqu’à la diffusion le 4 février d’une liste de 4600 noms de hauts représentants des institutions financières des U.S. avec leurs coordonnées et mots de passe (cryptés), obtenus en hackant certains sites de la Reserve Federale US.



Le même jour, Bloomberg annonçait qu’Obama avait l’intention d’accélérer la publication d’un ordre exécutif présidentiel permettant d’accroître la cybersurveillance [40] dans la lignée de la proposition de loi CISPA. L'escalade continue.

L’inéluctable contre-révolution

Le bilan est très sévère, mais il doit être dressé et prolongé dans ses tendances lourdes car on ne peut espérer modifier sa route en restant aveugle et sourd. 

La République américaine est morte. Ses institutions sont réduites à des simulacres. La valeur symbolique qu’elles portent encore aux yeux du peuple suffit à prolonger leur existence. Pourtant, elles n’apportent aucun service, aucun bienfait aux citoyens. Ceux-ci ont été trahis par leurs élites, par appétit de pouvoir, par lâcheté, par rapacité. Le supramonde [56] ne changera jamais volontairement d’idéologie, bien qu’il puisse y avoir quelques transfuges qui quittent leur camp.[41] 

Le peuple américain a pourtant eu plusieurs occasions de confondre ses oppresseurs, mais à chaque reculade l’effort nécessaire pour la suivante était de plus en plus grand et leurs adversaires de plus en plus nombreux et puissants. Le jour devra obligatoirement venir où les questions sur les assassinats de JFK, du 11 Septembre ou de tant d‘autres affaires [42] qui hantent la conscience collective pourront recevoir de vraies réponses officielles. En attendant cette commission Vérité et Réconciliation, le peuple américain se retranche dans son Fort Alamo. L’assaut a commencé, les premiers coups de feu tirés. 

Encore présentes dans l’imaginaire, les libertés ne peuvent plus être exercées dans les faits. On rend un culte à la feuille de papier de la Constitution illuminée derrière une vitre blindée pendant que les derniers défenseurs des libertés sont menacés ou emprisonnés. On devrait faire du texte du Bill of Rights un tableau intitulé « Ceci n’est pas la liberté », dans le style de Magritte. La Révolution a déjà eu lieu, et le peuple a perdu le pouvoir, puis ses libertés individuelles, ses économies, son emploi, puis ses futurs revenus et ceux de leurs enfants qui devront payer des dettes contractées par les élites. Il a aussi perdu sa santé, son espérance de vie, les espoirs d’éducation pour ses enfants. Et perdu encore, mais depuis bien plus longtemps, toute possibilité d’égalité dans la société multiculturelle américaine.[43] 

Il ne lui reste qu’une partie de ses illusions dont il lui faudra apprendre à se débarrasser, ainsi que son fusil.[44] Il a compris qu’il ne devait jamais le remettre au gouvernement, quoi qu’on lui dise. Cela peut le sauver de l’esclavage, mais hélas pas de la désolation de la guerre civile (ou rébellion). 

Celle-ci est inévitable car l’appétit de pouvoir, ne pouvant éviter le reflux de son expansion et de l’arrêt de son financement à l’échelle internationale, est en train de se retourner de plus en plus ardemment vers l’intérieur de ses frontières. 

Ces affrontements provoqueront à coup sûr une sécession [52], et une déstabilisation en cascade du Canada, du Québec, des îles Caraïbes et surtout du Mexique. 

Elle sera concomitante avec une explosion des tensions entre groupes ethniques. 

Elle entraînera à coup sûr la faillite du dollar, qui accélérera l’effondrement de l’empire US. De multiples dévaluations n’y changeront rien.[45] 

Mais le vrai combat ne se jouera pas à coup de rafales, de drones, d’armures exosquelettes, d’IED, de rafles ou de cyber guerre. Il se jouera d’abord dans les cœurs, avec le courage, et là où tout a commencé : dans les esprits. Un peuple ne peut vaincre que fédéré par l’espoir qui est porté par de nouvelles idées. Il ne se bat pas pour survivre : avoir un futur ne signifie pas simplement vivre demain. Il est nécessaire de savoir pourquoi on va vivre demain, pour vivre quelle sorte de vie. C’est le contenu de cette contre-révolution idéologique qui est la pièce manquante dans l’esprit du peuple américain. C’est celle qui lui permettra de se relever, et de recréer un État (ou plutôt plusieurs) qui auront fait table rase des institutions actuelles. 

Voilà les tendances lourdes. Dans ce maelström, la séquence exacte qui sera suivie peut être très variable mais tous les chemins conduisent au même aboutissement. Que ce soit en commençant : 
  • par une pression accrue sur le front monétaire international, [46] 
  • par celle de citoyens qui vont tester les réactions du gouvernement en voulant vérifier l’exercice de leurs droits, [47] 
  • par une implication grandissante des citoyens dans les débats de la société civile U.S. En effet si votre implication vise à critiquer les positions du gouvernement, l’United States Military Academy (USMA) vous classe alors parmi les activistes violents d’extrême-droite, [48] 
  • par un boycott à grande échelle du système, [49] 
  • par un renforcement de la politique sécuritaire continuant le chemin vers la loi martiale (Alerte Rouge) [50] ou la confiscation des armes, [51] 
  • par une action d’insurrection menée par des partisans de la suprématie des Blancs ou bien proches du Tea Party [52]. C’est le type de scénario d’intervention militaire contre le peuple américain auquel l’armée se prépare depuis 2010, [53] 
  • ou même par une nouvelle volonté du gouvernement d’interrompre momentanément l’escalade liberticide pour apaiser les tensions, [54] 
  • ou par une démission du Président, [55] 
l’état insurrectionnel est imminent d’ici la fin du mandat d’Obama, sachant que le supramonde [56] au pouvoir tient par-dessus tout à le conserver, que l’ultimatum d’OpLastResort restera lettre morte, et que la pression de la dynamique extérieure ne diminuera pas.[57] Des événements brutaux ou réactions extrêmes pourront toujours accélérer sa venue.[58] Les médias de masse ne parleront que d’insurrection, pas de guerre civile, et abuseront sans doute des qualificatifs de terroristes. Dans le même temps, rien ne retardera l’inéluctable contre-révolution du peuple américain.




[1] Nous utiliserons la technique de la parrêsia alliée à la méthode de l’anticipation politique. Ce texte se veut être une aide à la décision de chaque individu impliqué, dans le prolongement d’une forte empathie pour le peuple américain
[2] Ce texte est prolongé par l'article "Peupler l'espoir", à paraître.
[3] The progressive movement lacks a spine for the moment, and is badly divided over a number of difficult issues which diffuse them, instilling hatred and fear in their hearts, driving out love, and leaving room only for a destructive pride and selfishness. And the timid thinkers, the so-called intelligentsia, hide in their studies and in their cellars, and in their work, waiting for someone else to do something. Eventually progressive people will come together or, as Edmund Burke observed, "...they will fall, one by one, an unpitied sacrifice in a contemptible struggle." (A Financial Coup d'Etat, the Credibility Trap, and What Must Be Done, 09/28/2012)
[4] “Resistance, Revolution, Liberation – A model for positive change”, C.H. Smith, oftwominds.com, 2012
[5] “The Middle Class In America Is Being Wiped Out – Here Are 60 Facts That Prove It”, TheTruthWins, 01/2013; CNBC, 02/2013; L.A. Times, 08/2012
[6] Rumsfeld déclara après le pillage et la destruction des trésors archéologiques à Bagdad, patrimoine de l’humanité : « Freedom’s untidy… Free people are free to make mistakes and commit crimes »
[7] India & Russia Report, 02/2013
[8] GlobalPost, 02/2013
[10] The Independent, 02/2002 (reprinted by Daily Times)
[12] Cette évolution a été remarquablement expliquée dans une approche multidisciplinaire par la trilogie « Blowback » du Pr. Chalmers Johnson, et en particulier dans le dernier tome: Nemesis – The last days of the American Republic,  Metropolitan Books, 2006 ; Voir aussi “ The military Keynesianism of the U.S. and the Road to Tyranny”, Conscience Sociale.
[13] Zero Hedge, 02/2013
[14] Cf Réf 12 ; voir aussi Conscience Sociale, 07/2012 ; On se souviendra également des mots de Solzhenitsyn: “In keeping silent about evil, in burying it so deep within us that no sign of it appears on the surface, we are implanting it, and it will rise up a thousand fold in the future. When we neither punish nor reproach evildoers, we are not simply protecting their trivial old age, we are thereby ripping the foundations of justice from beneath new generations.” (The Gulag Archipelago, 1958-68)
[15] Cf Réf 12
[16] Federation of American Scientists, 04/2002; “Uncle Sam's Iron Curtain of Secrecy”, James Bovard, 08/2005; The Guardian, 03/2006; “2 U.S. Supreme Court Justices – And Numerous Other Top Government Officials – Warn of Dictatorship”, Washington’s blog, 09/2012
[17]La route vers le nouveau désordre mondial – 50 ans d’ambition secrètes des États-Unis”, P.D. Scott, Ed. Demi-Lune, 2011 (2007 pour l’édition originale) ; Le bilan que l’on observe un siècle après montre combien l’expansionnisme et l’idéologie de la « destinée manifeste » ont leurrées W. Wilson dans sa vision du rapport entre les peuples et du contrôle des capitalistes par l’État pour le bien des citoyens.
[18] DemocracyNow, 02/2006
[19] Par exemple pour justifier le fait que la torture n’était pas légalement interdite dans les affaires citées, cf Réf 12. Lire aussi à ce propos Le programme secret de la CIA et le Parlement Européen: Histoire d'un forfait, histoire d'un sursaut, 12/2012.
[20] Voir à ce sujet Conscience Sociale, 10/2012
[21] NY Times, 01/2006; “U.S. Constitution in grave danger”, Al Gore, 01/2006
[22] NY Times, 03/2006
[23] NY Times, 02/2006
[24] The Guardian, 02/2013
[25] E. Burke, 1729 – 1797
[26] USAToday, 09/2012
[27] “Corporatism is the corner stone of the Fascist nation” écrivait Benito Mussolini
[28] Conscience Sociale, 10/2012
[29] Pour plus de détails sur cette partie, lire Conscience Sociale, 02/2013
[30] Boston.com, 02/2013
[32] En utilisant un texte entré en vigueur un mois après l’entrée des U.S. dans la première guerre mondiale (Espionage Act, 1917) ou le très controversé CFAA (Computer Fraud and Abuse Act)
[33] Pour lui permettre en échange d’obtenir une sentence plus faible mais certaine
[34]  Œuvre de Franz Kafka, rédigée entre 1914 et 1925
[35] Cette logique de radicalisation dans la communauté connectée avait été anticipée.
[36] Pour plus de détails sur cette partie, lire Conscience Sociale, 02/2013
[37] Voir la vidéo (ou le texte complet ici).
[38] Assange, Manning, Hammond, Kiriakou, Ellsberg, Drake, Radack…
[39]  EFF.org, 07/2012
[40] TheVerge.com, 02/2013
[41] The Telegraph, 10/2012
[42] « La route vers le nouveau désordre mondial », P.D. Scott, Ed. demi-lune 2011 (English edition, 2007) ; “What WikiLeaks revealed to the world in 2010”, salon.com, 12/2010
[43] D’après le rapport de l’Institute of Assets and Social Policy (02/2013) la différence de richesse entre les Blancs et les Afro Américains a triplé lors des 25 dernières années.
[44] CNSNews, 02/2013 ; Statistiques mensuelles du FBI NICS, 01/2013
[45] GEAB 69, Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, 11/2012
[46] À la suite du rapport de l’OMFIF déjà cité et du G20 de 2013 en Russie
[47] Voir par exemple cette initiative
[48] “Anti-federalists espouse strong convictions regarding the federal government, believing it to be corrupt and tyrannical, with a natural tendency to intrude on individuals’ civil and constitutional rights. Finally, they support civil activism, individual freedoms, and self government.” WashingtonTimes, 01/2013. C’est le concept des « citoyens ennemis ».
[49] Cf Réf 4
[50] Courier-Post, 03/2003
[51] Bob Owens, 12/2012
[52] SmallWarsJournal, 07/2012; Forbes, 11/2012
[54] Politico.com, 02/2013
[56] Ce terme et sa définition précise sont empruntés au Pr. Peter Dale Scott, op.cit.
[57] Global Research, 08/2012 ; NY Times, 12/2012
[58] GEAB 72, Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, 02/2013