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2012/11/16

Marchés publics : Alerte sur les deals subprimes

La compétition néolibérale exacerbée par la crise en cours a donné lieu à de nouveaux comportements à hauts risques dans le domaine des modèles d'affaires. Je les nomme ici des "deals subprimes", ce qui résume bien leur ambition, leur développement, l'appât du gain qui les accompagne et pour finir leur liquidation douloureuse.

Je vois ces "deals" d'un nouveau genre se développer au quotidien en France depuis plus de 18 mois. Je l'illustrerai dans le domaine des grands contrats au "forfait" en informatique [Avertissement: mon employeur n'est pas du tout promoteur des pratiques décrites ci-dessous]. J'ai déjà en partie évoqué ce sujet lors de ma conférence à la Scrum Night II en mai dernier, où l'audience avait été surprise et intéressée.  Parce qu'elles touchent désormais les grands marchés passés par le secteur public, ces pratiques représentent un risque pour nous tous, et je me dois de vous les décrire.

Ces pratiques visent à gagner des affaires (des marchés au "forfait") en pratiquant une distorsion des règles de la concurrence. Elles existent depuis très longtemps, mais c'est leur nouvelle ampleur qui change la donne, et rend le niveau de risque inacceptable. 

Ces distorsions qui vont permettre une surenchère à la baisse du devis, présentent deux types de dangers: 
  • d'une part avec un effet direct de compression sur le coût le plus significatif dans les projets informatiques (les salaires) par le recours à l'inshoring;
  • d'autre part, avec une promesse masquée dans le modèle d'affaires interne du fournisseur (P&L dans le jargon) qui dit qu'on vend sciemment à perte, avec l'anticipation mais qu'on réussira dans les années à venir à faire signer des avenants juteux au client pour permettre de rentabiliser l'affaire. Et cela sans inclure un niveau de risque financier équivalent, sous prétexte que bien sur le devis ne serait alors pas compétitif.
Tout d'abord qu'est-ce que l'inshoring ?
Apparu depuis 3 ans, mais fortement accéléré par la révolution en Tunisie, la nouvelle tendance dans les services informatiques n'est pas de recourir à des développeurs en offshore, ou bien ponctuellement de faire venir des personnes travailler temporairement en France avec un visa, mais bien d'aller chercher massivement ces personnes à l'étranger et de les faire travailler en France avec un CDI. Les pays concernés à ma connaissance sont d'abord la Tunisie, puis le Maroc, mais aussi le Québec. Mais tout pays hors de l'EU 27 et disposant d'un vivier de compétences est un candidat potentiel à l'exode.

Le processus, bien rodé, est le suivant. Il vise à aplanir complètement les difficultés de recrutement (rencontres multiples pour entretien) avec des candidats géographiquement éloignés  :
- une société intermédiaire, nouveau type de cabinet de recrutement, organise un salon de recrutement (location de salle, campagne de publicité sur les médias sociaux, les écoles locales etc). Il est facturé au nombre de personnes recrutées lors de cette journée ;
- la SSII française qui veut recruter établit ses critères de recrutement : junior ou senior, débutants ou en poste, technologies cibles, salaire cible... ainsi qu'un processus de recrutement ficelé (présentation de la société, tests etc). Tout le processus de recrutement est effectué par la SSII, et pas par le cabinet local ;
- la SSII envoie une équipe RH accompagnée d'opérationnels et de commerciaux pour pouvoir faire passer tous les entretiens dans la même journée. L'objectif est de repartir le soir avec un stock de CDI de loi française définitifs, et signés par des postulants qualifiés, au lieu de repartir avec des CV comme sur les salons habituels ;
- ces CDI permettent d'enclencher la procédure officielle de demande de permis de travail, pour faire venir ces personnes en France (par exemple) ;
- les salaires demandés lors de ces entretiens par les tunisiens, à compétences égales, permettent d'économiser 2 ans de progression salariale comparés aux salaires habituellement demandés à l'embauche sur Paris. Les frais de l'opération complète de recrutement sont défalqués du salaire des nouveaux embauchés ;
- le délai d'obtention des permis de travail permet de mettre à profit ces 4 à 6 mois pour trouver une mission ou un projet pour cette personne. De plus il est très facile pour la SSII de demander à la personne, si nécessaire, une modification du contrat de travail pour changer la date de rentrée en fonctions de quelques semaines... ou plus ;
- les compétences disponibles peuvent être de bons niveaux (2 ans d'expérience réelle sur des technologies java récentes, esprit curieux, parlant et écrivant un français impeccable).
- initialement les SSII qui avaient recours à ce dispositif étaient des petites structures sur Paris ; typiquement pour 50 personnes interviewés (ciblées comme étant uniquement des personnes en poste et expérimentées), la SSII repart avec 4 CDI pour prise de fonction quatre mois après.
Mais les SSII interessées par ce système sont rapidement devenues de plus en plus importantes, jusqu'au leaders du marché. Elles peuvent ainsi recruter 40 CDI de ce type d'un coup, juste après avoir gagné un gros deal... qu'elles ont remporté justement parce que leur prix était le plus bas des compétiteurs. Il y a là un effet pouvant amener à un basculement du marché, à une perte de positions commerciales auparavant solides, quelle que soit la qualité du service délivrée jusqu'ici.

Il est significatif aussi que désormais ces SSII n'ont pas recours à ce système sous prétexte qu'il n'y aurait plus personne à recruter sur place, mais parce que les salaires demandés sont trop élevés, et que cela permet de restaurer leur marge opérationnelle! Par effet domino, c'est en langage économique une dévaluation compétitive forcée des salaires qui se met en place à l'échelle de la zone économique touchée. 


Passons maintenant à l'autre volet : le défaut de gestion du risque financier par le fournisseur.
Si la pratique précédente s'effectuait en premier lieu au détriment des employés européens, celle-ci est au détriment de l'Administration, et au final des contribuables. Il s'agit ni plus ni moins que de prendre en otage les usagers des services publics sans que ceux-ci s'en rendent compte, au moins tant qu'on n'est pas rentré dans le contentieux. 
Le fournisseur ne se contente pas de systématiser la demande d'avenants, par une absence manifeste de collaboration et une lecture jusqu'au-boutiste des termes du contrat signé, par des personnes spécialement affectées à cette fin sur chaque projet significatif. Cela se pratiquait depuis longtemps dans des sociétés où la culture de services était basée sur une recherche de profits maximum par ce biais. Elles sont connues de tous dans ce marché.
Non, désormais c'est bien un modèle de dumping qui se pratique, sous couvert d'une anticipation de revenus dans les années futures du contrat, ou d'autres contrats en cascade, et sans provisions financières. Plus le contrat est important au yeux de l'Administration, sur un sujet sensible, au plus cette pratique séduit certains: en effet ils se disent que la négociation d'avenants (comprenez: en expliquant que sinon le fournisseur arrête le projet, y compris à son détriment juridiquement parlant) sera facilitée : les pilotes du projet du côté de l'Administration seraient éclaboussés eux aussi par une telle conclusion, si le contentieux devient public. Dans ce bras de fer, ils plient en silence et signent les avenants sans faire de bruits, au cours du projet... y compris en allant au bout du compte jusqu'à dépasser le prix des offres concurrentes initiales, écartées puisque moins compétitives mais ô combien plus honnêtes. 

Dans cette optique de distorsion des règles, les recours par les compétiteurs éconduits n'existent pas. Les audits comme ceux de la Cour des Comptes auront grande difficulté à prouver ces pratiques, où il est facile de commander de ci, de là, quelques Unités d'Oeuvre en plus. On ne parle pas en milliards sur ces marchés mais quand même en dizaines de millions d'€ pour les plus gros. 

Là où l'on atteint l'effet subprime, c'est dans l'emballement de la mécanique: dans le vent de la crise, le recours à ces distorsions peut devenir une pratique managériale systématique, par l'appât du gain à court terme. La pratique du risque se renforce, s'institutionnalise brusquement, avec toujours aussi peu de provisions ou de gestion prévisionnelle du staffing. En quelques mois, de nombreux deals peuvent être gagnés par un seul compétiteur, qui sera alors dans l'impossibilité de délivrer les services sur tous les marchés gagnés par manque de personnel, puisque le marché du travail (mobilité) est beaucoup moins fluide, surtout en temps de crise. Ainsi l'Administration, qui aura beaucoup de mal à refuser ces devis si peu chers suivant la règle de "mieux-disance", peut se retrouver rapidement prise au piège de l'appât du gain de fournisseurs malhonnêtes sur des marchés particulièrement importants pour nous tous, citoyens et usagers.

2008/09/25

La finance aux pieds d'argile (Dérives économiques Partie II)

image
La finance était, uniquement par les volumes brassés, un géant. 

Mais un géant aux pieds d’argile, comme le montre l’image ci-dessous :



L'étage jaune correspond aux liquidités de l'économie réelle, tangible, basée sur des produits physiques et matériels ou des prestations intellectuelles : ce sont des billets et des pièces.
L'étage violet est constitué des liquidités associées aux comptes chèques, cartes de crédit, cartes prépayées...

L’étage vert correspond notamment aux fameux CDO qui repackageaient les prêts hypothécaires Subprimes.
Les liquidités de l’étage rouge est constitué des CDS (Credit Default Swaps), futures et options. Les CDS, bien que représentant une petite partie de cet ensemble, ont grandi à une vitesse exponentielle, jusqu’à dépasser 50 000 milliards de $ !


2 raisons à cette croissance démesurée :
  • Banking regulations and the lack of funding requirements for CDS: Banks are required by law to hold a certain amount of capital for loans they make - about 8 cents for every dollar in principle, but there are a number of loopholes that allow it to be less for certain types of loans. But there are very limited capital requirements for CDS, so banks and other CDS market participants can take on much more credit exposure through CDS than they could directly.
  • A loan must be funded: If you lend someone some money, you have to borrow it or use your own capital. However, if you take on the exact same risk through a CDS transaction, there is no need to put up any money, provided your counterparty will accept your credit risk.
For both these reasons, hedge funds have been large participants in the CDS market, because through credit default swaps the funds can take on much more risk (and receive much more in premiums) than their modest cash reserves would normally permit.
L’appât du gain immédiat et la rapacité a entraîné une prise de risque collective du secteur financier. Tant que je te fais confiance, ca va bien pour nous deux :


Mais les défauts de remboursements des prêts, dans l’économie réelle aux pieds du géant, a anéanti l’étage vert, et la détérioration actuelle des réserves des banques menace maintenant dangereusement l'équilibre mondial de l’étage rouge. Son poids économique est tel qu’on parle de risque systémique (y compris les plus hautes autorités), car son écroulement peut emporter le système bancaire dans son ensemble.

Les banques d’investissement indépendantes ont disparues avec l’étage vert, les prochaines victimes se compteront dans les rangs des hedges funds, puis des banques commerciales. Tout l’enjeu des financiers est maintenant de placer très rapidement des étais pour éviter que les défauts de paiement et de contrepartie de risques provoqué par les faillites en série n’emporte la plupart des établissements en cascade. Chaque banque qui tombe laisse plus de poids à porter aux autres, ainsi qu’en bout de chaîne aux investisseurs particuliers.

Sources :